Vivre son premier Ultra Trail
Ce n’est pas une légende, nos Chullis, conseillers en magasin comme sur Internet, sont de vrais passionnés d’outdoor, ce qui leur permet de vous fournir les recommandations d’équipements les plus justes. Aujourd’hui, Antoine, Chef de Cordée du magasin Chullanka Bordeaux, nous raconte et nous illustre une de ses plus belles émotions outdoor : Son premier Ultra Trail.
« C’était mon premier Trail de plus de 100 km, mon premier Ultra trail, et celui-ci s’annonçait magnifique, dur, humide, long… Tout était là ! Le samedi matin à 00h01 le départ était lancé sous un feu d’artifice et la musique qui donnait le ton. Une belle foule pour nous encourager s’était réunie, d’autant plus pour un départ à cette heure !
Ca part vite avec beaucoup de coureurs qui file dès les premières côtes dans les rues d’Aurillac…. je laisse filer et garde mon petit rythme de croisière… (ils sont cinglés je me dis !). Progressivement nous quittons les lumières de la ville pour filer à travers champs, et plonger dans l’obscurité.
Un beau ballet de frontales commence à s’étirer dans la nuit. Je ne suis pas très bien placé en ce début de course, mais je reste confiant, vu le rythme, je vais probablement en rattraper pas mal par la suite.
Première petite bosse de passée et premier ravito atteint, je m’oblige à rester 3 minutes pour manger et souffler. C’est pas évident, je ne suis pas fatigué et j’ai envie de lâcher les chevaux…mais la gestion de course reste le maître mot sur un ultra trail !
Les choses sérieuses commencent…avec 1000D+ sur les prochains 16 kms. Je repars avec le même rythme. Très vite les autres coureurs qui m’avaient déposé sur la ligne de départ commencent à souffrir. J’en profite, et je file sur cette belle côte sans forcer.
Je me dis que la préparation a été difficile pour le travail en côte…mais qu’est-ce que ça paye ! Je gratte environ 180 places sur cette seule portion (sur 800 c’est pas mal). À ce moment, on peut dire que j’étais envahi par une sorte de petite euphorie.
Le brouillard est de la partie avec une atmosphère très particulière. Nous sommes enveloppés dans nos halos de lumières qui se reflètent dans cette brume.
Personne ne parle, et les coureurs s’éloignent les uns des autres progressivement, chacun à son rythme. Il est 3h du matin.
Première victime du terrain humide, une femme étalée sur les rochers glissants, et entourée de 5 coureurs qui l’accompagnent…une belle chute qui a dû faire très mal. L’euphorie laisse place à la prudence.
On ne voit pas grand- chose.
Le 2ème ravito passé, je commence à payer ma dépense d’énergie dans la montée précédente. C’est d’autant plus compliqué à gérer avec cette portion qui gagne encore en difficulté avec 19 km et 1000D+ jusqu’au prochain ravito.
Une belle descente qui se passe plutôt pas mal, et les descentes font parties de ce que je maitrise le mieux…jusqu’à la remontée. La montée jusqu’au plomb du cantal est bien cassante. À ce moment je ne suis pas au top, on peut même dire que ça ne va pas du tout. J’ai des mots de tête, et des vertiges.
Je finis sur les crêtes avec une tête qui doit faire peur. En plus le temps commence à se charger sérieusement. Heureusement que la base de vie n’était pas loin à ce moment…Après la prudence c’est la souffrance qui prend le dessus.
La descente jusqu’à la base de vie du Lioran marque le milieu de course .
Je m’arrête 20 minutes pour souffler vraiment, manger correctement et refaire le plein des flasques, de barres énergétiques. J’hésite à me changer, mais il flotte, et comme je suis déjà trempé, tant pis…ça fait déjà 10h que je suis parti. La course commence à prendre une autre dimension.
Je repars avec le plein d’énergie, reprends un rythme de croisière qui me convient, surtout sur cette partie qui descend progressivement jusqu’au kilomètre 75.
Une belle descente, je me fait plaisir et appuis un peu la foulée. L’euphorie encore…et j’en oublie la gestion sur cette partie…Mais quel kiff ! Une descente de 5 km à pleine balle, ça ne se refuse pas.
Bon je l’ai payé au centuple sur la petite bosse qui a suivi : une belle hypo, qui me sèche et m’oblige à faire littéralement la sieste 15 minutes sous une pluie diluvienne.. C’est une manière d’apprendre, mais ça pique. Le doute est là. Plusieurs dizaines de coureurs me croisent et sentent que je ne suis vraiment pas bien. Quelques mots d’encouragements et je me relève pour reprendre un rythme très tranquille.
Maintenant, je commence à avoir une belle palette d’émotions qui m’ont accompagnées sur cet Ultra Trail.
Le ravito qui suit me fait du bien, je souffle 5 minutes, puis repars assez vite. Le sucre ingéré monte vite. Dans cette grosse côte je retrouve mon énergie du départ et double tous les coureurs croisés pendant mon hypo…c’est rassurant, et c’est aussi le moment où les doutes des kms précédents s’effacent au profit d’une certaine assurance de franchir la ligne d’arrivée.
Le corps humain est une machine incroyable, me voilà au kilomètre 85 à bombarder en pleine descente (prise de plaisir 200%), alors qu’il y a 10 km j’étais en plein décès dans les bois !
Les kilomètres qui ont suivis, ont été comme pris dans une bulle temporelle, où je n’ai pas vu passer le temps, le corps s’est mis en pilote automatique, et tout s’est fait au mental. J’ai mal partout, mais ça en devient presque marrant, je n’ai jamais été dans cet état de délabrement avancé.
La fin approche, je passe les gorges de la Jordanne, pour enchaîner les 2 dernières bosses de manière beaucoup plus douce. Mes pieds sont abimés et me font souffrir, mais le moral est là. J’alterne marche et course à pieds jusqu’à apercevoir Aurillac. A partir de là c’est course à pied jusqu’au bout, à filer jusqu’à cette arche qui symbolise la fin de ces 21h de trails !
Une belle palette d’émotions, avec un succès en fin d’épreuve, et un paysage qui devait être très beau, mais caché en partie par les nuages…magique, je n’ai pas pleuré, mais j’ai frissonné !
Vivement le prochain ! »
Bravo Antoine pour cette belle performance sous la pluie, les émotions sont là !
On se retrouve sur les réseaux ?