17 Mars 2020 – 5 :30

L’auberge du Chili Kiwi Hostel est encore endormie alors que j’ouvre doucement les yeux et éteint rapidement mon alarme pour éviter de réveiller mes camarades de chambre. Je m’extirpe à tâtons de mon lit et sort de la chambre encore plongée dans l’obscurité. Après un petit déjeuner énergétique, je saisi mes affaires préparées la veille pour me rendre dans la cours extérieure rejoindre mes compagnons d’expédition. Bien que nous soyons à la fin de l’été, les nuits sont fraîches au nord de la Patagonie. J’ignore si mes frissons sont causés par le froid ou par l’excitation de la journée à venir mais une chose est sûre, mon rythme cardiaque s’accélère alors que nous embarquons dans le fourgon qui nous conduit au départ.

Après un quart d’heure de route, nous atteignons le Parque National Villarica. Nous serpentons encore quelques minutes sur les pistes en terre entourées de roches volcanique et d’Araucarias pour atteindre notre destination. Une décharge d’adrénaline parcourt mes extrémités alors que je pose le pied à terre et lève les yeux vers le colosse qui se dresse devant moi. Sa couronne de fumée ne laisse aucune place au doute. Du haut de ses 2847m d’altitude, le Volcan Villarica compte parmi les plus actifs sur le territoire Chilien et sa dernière éruption remonte à tout juste quelques années, le 3 Mars 2015. Il est heureusement bien surveillé et n’a fait aucune victime.

A près de 1400m, alors que le ciel commence à peine à s’éclaircir, nous revêtons notre équipement et nous mettons en route, l’ascension sera longue. Il me faut plusieurs dizaines de minutes pour me réchauffer, il ne fait pas plus de quelques degrés ici. Le rythme est soutenu. Nous devons atteindre le sommet en début d’après midi pour éviter de redescendre dans les nuages et la grisaille qui vient obscurcir le ciel chaque jour en seconde partie de journée.

Les résidus de roche volcanique qui jonchent le sol rendent la progression difficile et fatigante. Parmi notre équipe, certains sont déjà en retrait et les guides doivent réguler notre rythme pour ne pas scinder notre groupe en deux. Arrivés à environ 2000m d’altitude, nous atteignons les vestiges d’une ancienne remontée mécanique. Une étrange sensation me traverse en imaginant les skieurs qui parcouraient autrefois les flans de cette bombe à retardement. D’ici la vue est incroyable. On aperçoit au loin les nombreux autres volcans et lacs de la région. Un tapis de nuages s’étend également en contrebas, frontière symbolique entre le monde des hommes et les cieux.

Quelques centaines de mètres de dénivelé plus loin nous atteignons la Pingüinera, début des neiges éternelles. Nous chaussons nos crampons, sortons nos piolets et commençons la dernière étape de l’ascension en suivant soigneusement les traces de nos guides pour éviter les crevasses. La pente est raide. Les jambes lourdes. L’oxygène commence à se raréfier et l’odeur de souffre se fait plus nette à chaque pas. Après plusieurs heures d’ascension, la force mentale compense la perte de force physique.

Heureusement, ce n’est que quelques minutes plus tard que nous apercevons enfin notre ligne d’arrivée. Nous déposons notre équipement et enfilons nos masques à gaz, boostés par l’excitation qui nous prodigue une énergie insoupçonnée pour gravir à bon rythme les derniers mètres qui nous séparent du cratère…

Le spectacle est à couper le souffle. Tout comme les vapeurs de soufre qui s’échappent en permanence de cette montagne de feu. A l’œil nu, je peux apercevoir quelques fragments de roche en fusion au pied des parois colorées qui tapissent l’intérieur du cratère.
Nous sommes si petits !

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